Billet III - Les théories de la formation à distance


Dans le Billet 3 du 17 octobre 2017, sur les Théories de l'apprentissage, je soulignais «qu'au sein des facultés de droit, au Canada, l'enseignement fait largement encore appel au cours magistral», mais même dans ce contexte, dépendamment de l'approche pédagogique de l'enseignant et de la nature du sujet à enseigner, la distance transactionnelle pourra être plus ou moins grande (Moore, 2013, p. 71). Dans le Billet 4 publié le 3 décembre 2017, au sujet des Approches pédagogiques actives, je fais état de l'avantage d'utiliser un environnement numérique d'apprentissage pour faciliter «l'interaction entre l'enseignant et les apprenants», mais là encore, en soi, l'utilisation d'un environnement numérique de communication aura un impact sur la distance transactionnelle, que dans la mesure où le dialogue y est, ou n'y est pas, favorisé (Moore, 2013, p. 70-71). En abordant le concept de présence cognitive, Jézégou (2010) relève à bon droit l'opinion des théoriciens suivant laquelle «l'asynchronisme lors d’une situation de collaboration à distance offre de nombreux avantages par rapport au caractère éphémère de la communication en temps réel» (p. 266), ou face à face ajoutons-nous. Mais même en laissant de côté l'approche du cours magistral, l'enseignement du droit, du moins au niveau du premier cycle, ne laisse pas beaucoup de place pour y instaurer une structure souple et relâchée, qui laisse davantage d'autonomie à l'apprenant (Moore, 2013, p. 69). En fait, il est indiqué que l'enseignement des sciences juridiques, du moins au cours des premières années, adopte les approches béhavioriste (knowing what) et cognitiviste (knowing how), telles que décrites par Ertmer et Newby (2013) au chapitre de l'acquisition du savoir professionnel. Et il y aurait sans doute place à plus de souplesse, et d'autonomie (Moore, 2013, p. 72), à l'occasion de l'apprentissage de ce que Schon (1987) désigne "reflection in action" (cité dans Ertmer et Newby, p. 60), qui est plus près de l'expérience professionnelle. Mais à mon sens, les situations optimales pour exploiter une plus grande autonomie et davantage de dialogue dans l'apprentissage des sciences juridiques se situent en contexte de formation continue des professionnels. Les juristes sont des pairs naturels, issus de la même école, et membres de la même communauté, dont les apprentissages professionnels se prêtent au modèle suggéré par Garrison (2011). Il est d'ailleurs possible de retracer dans la littérature l'exemple d'une telle communauty of inquiry constituée de juristes, comme le Mobile Professional Project en Irlande discuté par Grealy (2015). Dans le projet irlandais, les concepteurs du programme de formation à distance ont adopté «a student-centred methodology, placing control in the hands of the students» (Grealy, 2015, p. 306), en mettant en place le modèle hybride décrit par Garrison (2011, p. 75). Grealy (2015) précise dans son article que : «[t]he idea behind the Centre’s blended learning framework for solicitors is to tap into the notion of a “community of practice” and foster a sense of common purpose among lawyers : to upskill and gain knowledge in specialist areas of law» (p. 308). Les dimensions cognitive, sociale et pédagogique de la présence à distance décrite par Garrison y sont prises en compte, entre autres par l'usage de moyens technologiques interactifs «[to] support learning through interpersonal interactions» (Grealy, 2015, p. 307).

Sources :

Ertmer, P. A. et Newby, T. J. (2013). Behaviorism, Cognitivism, Constructivism: Comparing Critical Features From an Instructional Design Perspective. Performance Improvement Quarterly, 26(2), 43-71.

Garrison, D. R. (2011). E-learning in the 21st century: A framework for research and practice. (2e éd.). New York: Taylor & Francis.

Grealy, F. (2015).  Mobile Professional Learning for the Legal Profession in Ireland - A Student-Centred Approach.  49 Law Tchr. 303.

Jézégou, A. (2010). Créer de la présence à distance en e-learning. Distances et savoirs, 8(2), 257-274.

Moore, M. G. (2013). The Theory of Transactional Distance. Dans M. G. Moore (dir.), Handbook of Distance Education (p. 66-85). New York : Routledge.

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