Quatrième billet – L'évaluation en situation authentique
À l'occasion du
deuxième billet, j'ai décrit en partie un exercice d'apprentissage, qui, en
fait, est une activité d'évaluation en situation authentique. En ce sens qu'il s'y
trouve une dimension additionnelle au niveau de l'alignement pédagogique. Les
exercices formatifs, par exemple, sont conçus non seulement de manière à
préparer l'apprenant à l'évaluation sommative dans le contexte du cours ou de
la leçon, mais également à le préparer à ses activités professionnelles futures
(Leroux, 2014). Ainsi, suivent, après les exercices formatifs, des occasions de
rétroactions, qui elles aussi devront viser à préparer l'apprenant à ses tâches
éventuelles de praticien. Et, en contexte d'évaluation d'une situation d'apprentissage
authentique, l'enseignant, à mon sens, autant au stade de la planification de
l'activité, qu'à l'occasion des rétroactions, doit adopter la posture du professionnel
―avocat, notaire, architecte,
professeur, bibliothécaire, etc.―.
Le compte-rendu des études menées au
Royaume-Uni (Davies, 2010) aborde la notion de «situative perspective», un concept
«[that] sees learning as arising from participation in communities of practice.
Learners participate in
many learning communities during their studies which prepare them to become
members of professional communities (learning to think and act like a lawyer or
an engineer, for example)» (p. 10). Cette
approche, qui est en cohérence avec les théories socioconstructivistes, implique
également la définition d'une identité professionnelle (idem.). Évaluer l'apprenant
en situation professionnelle authentique, c'est lui permettre de vivre une
expérience qui constamment va se répéter dans sa vie professionnelle active, à
savoir: 1) fournir une prestation en réponse à un problème réel en utilisant
les connaissances et les habiletés acquises; et 2) subir la critique ... du
juge, du client, du public! L'évaluation faite par les pairs, la capacité d'évaluer
les pairs, et celle de s'approprier les moyens de procéder à une auto-évaluation
font partie des éléments d'une évaluation authentique. Selon Davies (2010), «[e]ffective assessment
and feedback can be defined as practice that equips learners to study and
perform to their best advantage in the complex disciplinary fields of their
choice, and to progress with confidence and skill as lifelong learners [...] (p. 8).
Dans l'exercice d'apprentissage discuté
à l'occasion du deuxième billet, l'apprenant est appelé à produire une capsule vidéo, dans
laquelle il doit formuler et soutenir une objection à la preuve. À l'égard de cette
production concrète (Clark, 2009), non seulement recevra-t-il une rétroaction
de l'enseignant, sur la base d'une grille critériée (Prégent, Bernard, et Kozanitis,
2009), mais il fera aussi l'objet d'une évaluation par les pairs, qui sont
appelés à voter à propos de son argumentation: objection maintenue ou rejetée ―la
fonctionnalité Sondage de Moodle a été mise à profit―. Ainsi, les pairs, comme
l'apprenant, sont appelés à se prononcer sur le travail authentique des autres
participants. La capsule vidéo est un outil qui sert également à
l'auto-évaluation. «Video
recordings enable learners to reflect on their performance and make
improvements [...]; [h]elp to clarify what good performance is; [f]acilitate
the development of self-assessment and reflection in learning; [e]ncourage
positive motivational beliefs and self-esteem» (Davies, 2010, p. 29, Table 2). Dans une expérience d'évaluation authentique menée
à la faculté de droit de l'Université de Glasgow en Écosse, on a utilisé la
caméra pour filmer des étudiants alors qu'ils faisaient des entrevues avec des
clients, qui étaient des acteurs en fait, formés pour ensuite donner une
rétroaction à l'étudiant au sujet de sa performance (Davies, 2010). D'abord, l'utilisation
de clients-acteurs, entraînés à la rétroaction, m'est apparue une technique très intéressante,
surtout si l'étudiant n'est pas au fait du stratagème d'évaluation. Mais voici ce qui a été dit au sujet
de l'utilisation d'une caméra: «[t]he video
camera, like a mirror, enables students to perceive what they may previously
have been unaware of, so that they can see for themselves how far their current
performance matches the goals and standards they aspire to attain» (idem, p. 48).
Sources :
Clark, R. E. (2009). Entretien par P. Dessus et
P. Marquet : à la recherche des ingrédients actifs de l’apprentissage. Editions
Lavoisier. Récupéré de https://ds.revuesonline.com/gratuit/DS7_1_10_entretien_clark.pdf.
Davies, S. (2010). Effective Assessment in
Digital Age [en ligne].
Récupéré de https://facultyinnovate.utexas.edu/sites/default/files/digiassass_eada.pdf, consulté le 1er juin 2018.
Leroux, J. L. (2014). «Chapitre 13 - Évaluer
pour faire apprendre». Dans L. Ménard et L. Saint-Pierre, Se former dans la
pédagogie de l'enseignement supérieur. Montréal : Collection PERFORMA AQPC.
Prégent, R., Bernard, H. et Kozanitis, A.
(2009). «Chapitre 5 - Évaluer des compétences en situation authentique», dans
Prégent, R., Bernard, H. et Kozanitis, A., Enseigner à l'université dans une
approche-programme. Guide à l'intention des nouveaux professeurs et des chargés
de cours. Montréal : Presse Intern. Polytechnique.
Je retrouve de nombreuses similarités entre les situations d’évaluation que vous présentez dans le domaine juridique et celles que les étudiants en gestion de projets dans nos programmes rencontreront dans leur profession. Par exemple, une gestion de projet devra régulièrement négocier pour du financement ou pour s’assurer l’assignation d’une ressource convoitée à son projet. Il devra alors plaider sa cause auprès des parties prenantes ayant une autorité suffisante pour appuyer le projet.
RépondreEffacerJ’enseigne occasionnellement le cours MGP7225 Analyse de cas en gestion de projet où les étudiants doivent analyser des situations à l’aide de cas et ensuite faire une présentation d’équipe devant ce qui, généralement recrée un comité directeur ou un commanditaire. La rétroaction provient des autres étudiants et du professeur. Mais il serait tout à fait concevable et même désirable d’utiliser une captation vidéo tel que suggéré par Davies (2010) qui permettrait aux étudiants de se voir durant leur présentation (« pitch »). Je retiens l’idée et je l’applique dès l’hiver prochain.
Références :
Davies, S. (2010). Effective Assessment in a Digital Age - A Guide to Technology-Enhanced Assessment and Feedback.