Billet 5 - Les défis et les enjeux de l’évaluation en formation à distance


L'étude récente de Nizet et al. (2016), au chapitre des «défis» en matière d'évaluation à distance, pointe d'abord vers les compétences technopédagogiques, tant des formateurs que des apprenants; en second lieu en direction du manque de confiance encore dans la technologie moderne; et enfin droit sur «l'investissement pédagogique des formateurs» (p. 18). De loin, il me semble que le plus grand défi à relever est le troisième, parce qu'il sous-entend le changement d'un paradigme, et suggère qu'aux yeux de certains formateurs l'évaluation à distance (du moins l'évaluation formative) implique «une situation de rupture à propos de leurs pratiques pédagogiques antérieures» (Tardif, 1997, p. 15). Au sujet de l'investissement pédagogique, l'étude de Nizet et al. fait référence en particulier à «l'explosion du temps consacré à l'évaluation formative» (p. 18) dans le contexte de la formation à distance. Il y a lieu de penser que la planification des méthodes d'évaluation en général (diagnostique, formative et sommative) exige maintenant de la part des formateurs une réflexion nouvelle, et vraisemblablement une approche davantage «interactive et collaborative» qui est le propre des formations à distance en plein essor au XXIe siècle (Garrison, 2011). Le thème de ce billet est directement en lien avec la problématique soulevée au sujet de la formation continue des juristes, qui de plus en plus est offerte à distance, d'un océan à l'autre. Au titre des défis spécifiques, l'étude de Nizet et al. souligne la remise en question de la qualité de la conception d'évaluations entièrement automatisées «fiables et valides, et rendant possible l'évaluation des compétences [...]» (p. 3). Dans le cas de la formation continue des juristes, les pratiques évaluatives devraient en principe tenir compte des «exigences de certifications encadrées par des normes collectives» (Nizet et al., p. 5); mais on peut se demander si l'évaluation formative y trouve une place. Leroux (2014) conclut son exposé sur l'évaluation formative en soulignant qu'elle implique l'apprenant dans le «développement de stratégies de régulation qui pourront le soutenir dans sa vie professionnelle» (p. 349). S'il y a lieu d'inclure l'évaluation formative dans le contexte de la formation continue des juristes, c'est l'investissement pédagogique des formateurs qui à mon sens risque de faire défaut, si ce n'est que par manque de temps, et l'enjeu est d'y perdre une facette importante de l'évaluation des compétences pour les professionnels du droit.

Sources :

Garrison, D. R. et Anderson, T. (2011). E-learning in the 21st century: A framework for research and practice. (2e éd.).: Taylor & Francis.

Leroux, J. L. (2014). «Section 5 : Évaluer, chapitre 13» dans L. Ménard et L. St-Pierre, Se former en pédagogie de l’enseignement supérieur. Montréal : Collection PERFORMA AQPC.

Nizet, I., Leroux, J., Deaudelin, C., Béland S. et Goulet, J. (2016). «Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire», Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur. Récupéré de http://ripes.revues.org/1073, consulté le 15 novembre 2017.

Tardif. J. (1997). La construction des connaissances. 1 Les consensus. Pédagogie collégiale ,11 (2), 11-19.

Commentaires

  1. Bonjour Pierre,

    Parmi les 3 défis mentionnés en début de billet, celui qui me semble le plus grand à relever est aussi celui de l'investissement pédagogique du formateur. En effet, si des compétences technopédagogiques sont nécessaires pour enseigner à distance, elles bifurquent assez rapidement vers des compétences relationnelles et pédagogiques. En effet, je peux observer certains éléments de la discussion de Nizet et al. (2016) dans le contexte de formation universitaire à distance.

    Les auteurs mentionnent que plusieurs dispositifs numériques interviennent à différentes étapes du processus d'évaluation. Puisqu'on recueille les travaux des étudiants via différents moyens technologiques, il est bien sûr nécessaire pour le formateur d'être familier avec ces environnements et de faire appel à différents moyens pour rester organisé dans ses suivis. Cependant, communiquer des rétroactions ou des résultats à distance exige du tact et du doigté. Comment établir un contact avec un étudiant qu'on n'a jamais vu? Comment lui transmettre une rétroaction constructive (souvent par écrit) en s'assurant que le contenu sera bien perçu et interprété? Comment transmettre une évaluation formative si l'étudiant n'en sollicite pas? Comment réagir alors lorsque son évaluation formative ne répond pas aux critères?

    Les auteurs mentionnent une "explosion de temps consacré à l'évaluation formative" en contexte à distance. Par exemple, lors de l'affichage de la tâche d'encadrement dont j'ai la charge, la rétroaction écrite sur les travaux et activités des étudiants pour les aider à comprendre leurs erreurs et reconnaitre leurs points faibles figurait parmi les fonctions inhérentes à la description de tâche. Habile ou pas en technopédagogie, la rédaction juste, précise et respectueuse prend rapidement le dessus! Et rares sont ceux qui acceptent l'offre d'un rendez-vous pédagogique pour discuter d'un mauvais résultat.

    Personnellement, je trouve ces aspects délicats dans mon travail. Il me faudrait peut-être apprendre des experts du domaine du droit et de leur habileté à discourir? ;-)

    Nizet, I., Leroux J. L., Deaudelin, C., Béland, S. et Goulet, J., Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire, Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur Récupéré de http://ripes.revues.org/1073

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