Troisième billet – La relation pédagogique en présentiel ou à distance durant la formation des juristes
Durant leur parcours,
les apprentis juristes sont appelés à compléter un stage obligatoire en milieu
professionnel («articling» en anglais), d'une période qui dépendamment des
juridictions au Canada varie entre six à douze mois. En pratique, le plus clair
du temps, la relation entre le «maître de stage» et le «stagiaire» en est également
une d'employeur-employé. En revanche, le stage en milieu professionnel ne mène
pas nécessairement, pour l'apprenti juriste, à un emploi éventuel en tant
qu'avocat. Et dans cette relation ambigüe, le rôle respectif de l'apprenant, et
de son maître, souvent est mal défini; de sorte qu'au terme d'une période de
stage, le nouvel avocat parfois en ressort mal préparé. Ashenhurst (2010) soulignait que «[t]he
decision to create formal mentoring programs conveys that the profession
actively recognizes new lawyers' need for guidance, during articles and beyond [...].
A new lawyer cannot possibly gain enough practical experience in ten months to
then practice, after being called to the Bar, without further guidance» (2010,
p. 145). Et plus loin: «[...] untutored new lawyers may create delays in the
system and represent clients ineffectively» (Campbell 1999 cité dans
Ashenhurst, 2010, p. 146).
En Alberta, le barreau (The Law Society of Alberta) a créé un programme
de mentorat appelé «Mentor Connect», où les rôles du mentoré et du mentor sont
ainsi définis: «Mentees drive the conversations. They identify the professional skills,
knowledge, attributes or the capabilities they need to improve their success
and effectiveness as a lawyer. [...] Mentors ask questions. They listen. They
may review material to better appreciate the mentee’s strengths and weaknesses.
They use their own experiences to identify and help the mentee overcome
challenges and guide decision-making» (The Law Society of Alberta, 2018).
Au sein des divers ordres professionnels, d'un océan à l'autre, dépendamment
du contexte d'apprentissage, la «relation pédagogique» envers l'apprenant juriste
peut prendre diverses formes. Le Barreau du Québec par exemple, distingue le mentorat
des situations suivantes: 1) le fait d'agir comme maître de stage; 2) le
coaching (accompagnement professionnel personnalisé visant l'amélioration des
performances et l'atteinte d'objectifs mesurables); 3) la relation de tutorat,
de parrainage ou de supervision d'un membre de l'Ordre; 4) l'encadrement
effectué à titre préventif [...]» (Barreau du Québec, 2018). Rodet (2011) précise
que «[l]es interventions du coach ont pour cadre l'activité professionnelle et
visent le développement de savoir-faire, de compétences opérationnelles pour
l'exercice de sa profession par le coaché» (Point 2). De même, toujours selon
Rodet, la relation tutorale ne serait pas «assimilable au mentorat qui est
caractérisé par la longue durée et vise la supervision du développement global
du protégé par son mentor» (idem.). La terminologie, à mon sens, est secondaire,
et Kozanitis (2015) rappelle à bon droit que «le succès de toute entreprise
éducative est basé sur l’établissement de liens adéquats et significatifs (Cosmopoulos,
1999; Kubanek et Waller, 1995; Marsollier et Obin, 2004; Potvin, 2005; Roorda
et collab., 2011)» (p. 4). La rétroaction («feedback») est un élément clef de toute
relation pédagogique, en présentiel comme à distance. Et parmi les sept
principes dégagés par Nichol et Macfarlane-Dick
sur ce qu'est une bonne rétroaction, je
n'en retiendrai que deux: «1) Deliver high-quality feedback information that
helps learners self-correct; et 2) Clarify
what good performance is» (cité dans Davies, 2010, p. 12).
Sources :
Ashenhurst, V. H. (2010). Mentoring the
Lawyer, Past and Present: Some Reflections. Ottawa Law Review, 42(1), 125-154.
The Law Society of Alberta. Mentor Connect [en ligne]. Récupéré de https://www.lawsociety.ab.ca/resource-centre/programs/mentor-connect/, consulté le 4 juin 2018.
Barreau du Québec, Guide sur le mentorat [en
ligne]. Récupéré de https://www.barreau.qc.ca/media/1248/fco-guide-mentorat.pdf, consulté le 4 juin 2018.
Davies, S. (2010). Effective Assessment in
Digital Age [en ligne].
Récupéré de https://facultyinnovate.utexas.edu/sites/default/files/digiassass_eada.pdf, consulté le 1er juin 2018.
Kozanitis, A. (2015). La relation pédagogique au
collégial. Une allée vitale pour la création d'un climat de classe propice à la
motivation et à l'apprentissage. Pédagogie
collégiale. 28 (4), 4-9.
Rodet, J. (2011). «Formes et modalités de l'aide
apportée par le tuteur», chapitre 8. Dans Depover, C., De Lièvre, B., Peraya,
D., Quintin, J. et Jaillet, A. Le tutorat en formation à distance.
Louvain-la-Neuve, Belgique: De Boeck Supérieur.
Bonjour Pierre.
RépondreEffacerMerci d’avoir attiré notre attention sur les principes de la bonne rétroaction de Nicol rappelés par Davies (2010). Par ailleurs, les deux que vous avez retenus me semblent présenter de certains défis : Pour y parvenir, l’enseignant doit avoir une idée très précise du résultat attendu de l’apprentissage. Dans l’apprentissage traditionnel, ce résultat attendu est prédéfini. Tandis que dans l’acquisition de compétences, ce résultat se caractérise et s’observe, mais est plus variable.
Puis, j’ai été curieuse de lire plus spécifiquement comment Nichol définit une rétroaction présentant un haut niveau de qualité. À cet effet, Nicol (2009) explicite cette notion dans une conférence. Il suggérait aux enseignants universitaires de passer du monologue au dialogue en améliorant la rétroaction dans l'apprentissage. Puis, il y définit une rétroaction de haute qualité comme étant :
- Opportune : en réponse aux besoins des apprenants.
- Multifacettes : dérivant de nombreuses sources (pairs) et disponible dans différents formats.
- Catalytique : déclencher des dialogues internes autour de concepts et d'idées disciplinaires.
- Motivant : encourager la recherche de rétroaction plutôt que les comportements d'évitement de la rétroaction.
- Modulable : exprimer la rétroaction comme des changements de pensée et d'action
Cette définition met en évidence l’agilité requise de l’enseignant pour offrir des rétroactions présentant un haut niveau de qualité.
Références
Davies, S. (2010). Effective Assessment in a Digital Age : A guide to technology-enhanced assessment and feedback.
Nicol, D. (2009). From Monologue to Dialogue: enhancing feedback in learning. Queen’s University, Belfast. https://www.qub.ac.uk/directorates/.../Filetoupload,624159,en.ppt