Billet II - Les Cours en ligne ouverts aux masses


Les CLOMs introduiraient avec eux le phénomène de «l'offre de formation à distance en dehors des frontières nationales [en créant] une "zone grise" relativement au pouvoir des établissements de décerner des diplômes et des titres dans un autre système national de formation» (Knight, 2005 cité dans Conseil supérieur, 2015, p. 38). Or, le 24 avril 2017, le gouvernement français, par le biais de son Décret n° 2017-619 relatif à la mise à disposition d'enseignements à distance dans les établissements d'enseignement supérieur (Décret, 2017), prescrivait ce qui suit : a) qu'«[u]n volume minimal d'enseignement pédagogique, fixé par voie réglementaire, peut être assuré en présence des étudiants» (art. D. 611-10) ; b) qu'«[u]n enseignement à distance est assorti d'un accompagnement personnalisé des étudiants (art. D. 611-11) ; et c) que «[l]a validation des enseignements contrôlée par des épreuves organisées à distance sous forme numérique, doit être garantie par : 1° [l]a vérification que le candidat dispose des moyens techniques lui permettant le passage effectif des épreuves ; 2° [l]a vérification de l'identité du candidat ; 3° [l]a surveillance de l'épreuve et le respect des règles applicables aux examens» (art. D. 611-12), comblant ainsi, en France à tous le moins, le vide juridique auquel le Conseil supérieur de l'éducation fait allusion dans son avis au ministre (2015). Ceux qui envisagent de diffuser un CLOM à l'extérieur des frontières du Québec devront considérer les exigences des juridictions d'arrivée. Un champ prolifique pour les juristes, nul doute. Mais sauf pour les thèmes de juridiction nationale dans un état fédératif ou ceux touchant le droit international, en soi, la matière juridique est difficilement exportable. Selon un article paru le 23 août 2013 dans Slaw, un magazine canadien juridique en ligne, encore aucune faculté de droit au Canada ne diffusait de CLOM (Munro, 2013).  L'auteure suggère cependant que les CLOMs provenant d'autres juridictions pourraient être utilisés par les facultés de droit dans le contexte d'une classe inversée par exemple, pour susciter la réflexion et les discussions en présentiel  (présumément dans le cadre d'un cours de droit comparé). Sur la question de l'utilisation des CLOMs pour offrir à distance la formation continue aux avocats, du moins en ce qui concerne la juridiction de la Colombie-Britannique, voici ce que l'auteure Munro écrit : «Could MOOC (or something similar) replace distance education from CLE providers? Given the size of our market in BC (just under 11,000 practising lawyers), and given that law (and especially practice) tends to be very jurisdiction-specific, it is unlikely that there are enough BC lawyers with common educational needs for mass courses to be developed» (Munro, 2013). En France, le CLOM Sorbonne Droit des contrats, qui visait à diffuser la réforme législative du 16 février 2016, aurait réuni 16 000 participants, plus nombreux que tous les étudiants inscrits en droit à l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne  durant une année universitaire (Dondero, 2016). N'est-ce pas là l'utilité d'un CLOM sur la question d'une réforme législative : former à la fois les praticiens du droit, les futurs juristes, mais également les justiciables, particuliers et gens d'affaires qui ont intérêt, eux aussi, à prendre connaissance de la loi nouvelle.

Sources :

Conseil supérieur de l'éducation. (2015). La formation à distance dans les universités québécoises : un potentiel à optimiser. Québec, Canada : Gouvernement du Québec.

Décret n° 2017-619 du 24 avril 2017 relatif à la mise à disposition d'enseignements à distance dans les établissements d'enseignement supérieur. Récupéré de <https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034485233&dateTexte=&categorieLien=id>, consulté le 26 janvier 2018.

Dondero, B. (2016). Toutes les vidéos du MOOC Sorbonne Droit des contrats. [billet de blogue] récupéré de <https://brunodondero.com/2016/05/02/toutes-les-videos-du-mooc-sorbonne-droit-des-contrats/>, consulté le 27 janvier 2018.

Munro, S. (2013). MOOC, Distance Education and CLE. Slaw, Canada's online legal magazine [en ligne]. Récupéré de <http://www.slaw.ca/2013/08/23/mooc-distance-education-and-cle/>, consulté le 27 janvier 2018.

Commentaires

  1. Bonjour M. Gagnon,

    Dans le cadre de votre billet, on voit transparaitre la poursuite de votre réflexion sur la formation à distance pour les juristes. On y voit une hésitation entre la formation à distance menant à des crédits et éventuellement à une diplomation et la formation continue pour laquelle très souvent est émise une attestation certifiant qu’une personne a suivi un cours.

    Il faut se rappeler qu’au premier balbutiement des MOOC, les grandes universités nord-américaines en 2011-2012 utilisaient ces dernières pour atteindre l’élite mondiale et les attirer vers leurs universités. Graduellement, les MOOC selon Depover, Karsenti et Komis (2017) ouvraient tout grand les portes à la connaissance pour un large public.

    On rapporte que les MOOC sont utilisés davantage pour la formation professionnelle que pour la formation des étudiants. En effet, selon Zhenghao (2015, cité dans Huguenin 2017, p.5) « 80 % des personnes suivant des MOOC ont au moins une licence ou un master et près de 60 % d’entre eux sont employés à temps complet. » Ce dispositif d’apprentissage rejoint donc le type de clientèle que vous désirez cibler.

    Maintenant, quelles sont les exigences du Barreau du Québec pour qu’une activité de formation continue soit reconnue ? Si l’on consulte le Guide du participant à des activités de formation produit par le Barreau du Québec (2018, p.4), la personne ayant suivi une formation continue doit démontrer l’existence d’une attestation de participation ou d’une évaluation. Les formations à distance sont reconnues dans la mesure où il y a, entre autres, la présence d’examens ou de tests (Barreau du Québec 2018, p.6).

    Ainsi, un avocat qui s’inscrit à un MOOC et qui obtient une attestation finale à la suite de ce dernier pourrait faire reconnaître sa formation par le Barreau du Québec (2017, p.6). Or, très souvent, pour obtenir une attestation payante, le participant doit effectuer une évaluation authentifiée (Huguenin 2017).

    Par ailleurs, si l’exigence était d’obtenir des crédits universitaires, cela pourrait être un enjeu et faire état d’une autre discussion, puisque fait intéressant, Kolowich (2013 cité dans Depover, Karsenti et Komis 2017) mentionne suite une étude que 28 % des enseignants ayant enseigné un MOOC pensent que les étudiants ayant réussi leur MOOC méritent d’obtenir des crédits de leur université.


    Références
    Barreau du Québec (2018). Guide du participant à des activités de formation. Barreau du Québec.

    Depover, C., Karsenti, T., Komis, V. (2017). Pour comprendre les MOOCs : Nature, enjeux et perspectives. Québec, Presses de l’Université du Québec, 124 p. ISBN 978­2­7605­4729­2

    Huguenin, S. (2017). Le phénomène MOOC expliqué aux néophytes : invitation à la réflexion et à l’approfondissement. Distances et médiations des savoirs, 20:2017.

    Zhenghao, C., Alcorn, B., Christensen, G., Eriksson, N., Koller, D. et Emanuel, E. J. (2015). Who’s Benefiting from MOOCs, and Why. Harvard Business Review.

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